Projets pour des travaux communs avec les anthropologues du Centre Norbert Elias (UMR 8562)
Dans le but de rencontrer les préoccupations de nos
collègues du CNE travaillant sur l’anthropologie du politique, je me propose
d’orienter mes recherches d’une part vers la question des changements de régime
et, d’autre part , de ce que ces changements induisent « au cœur de
l’Etat ».
1°) Le XIXe
siècle est bien évidemment le siècle des changements de régime politique,
particulièrement nombreux en France. Historiens et anthropologues peuvent se
rejoindre sur ce terrain là : s’il a été un champ privilégié pour
l’affirmation de l’anthropologie politique (Georges Balandier, Anthropologie
politique, PUF, 1967),
si la question des mouvements révolutionnaires a été au cœur des travaux de
toute une génération d’historiens du XIXe siècle (celle de Maurice Agulhon et
de Philippe Vigier), l’approche anthropologique par les historiens des
changements de régime est encore largement négligée (on notera toutefois les
travaux de Thomas Bouchet et les approches faites dans L’histoire des
droites, chez Gallimard,
et L’histoire des gauches,
à La Découverte). Historiens et anthropologues doivent, sur ce thème, poser
plusieurs questions :
- celle de la réception des changements de
régime. Quelles sont les réactions lisibles dans la politisation des
anonymes ? Comment sont-il vécus ? Quelles actions
suscitent-ils ? Quelles attentes ? Quelle indifférence ? Quelle
politisation, donc ?
- celle des mots avec lesquels on en parle,
on en rend compte, on les transmet dans les mémoires. Cela, donc, conduit à
observer aussi les pratiques des agents de l’Etat (quels discours chez les
employés qui travaillent à l’échelon départemental ?)
- celle des mutations individuelles
résultant de ces changements de régime, des adaptations aux situations
nouvelles : au cœur de l’Etat, les employés départementaux connaissent des
mutations de destins au gré de ces changements, mais quels sont-ils exactement
(voir cependant, pour la Bretagne, les travaux de Jean Le Bihan, qui n’ont
encore guère fait école)
Ces changements
de régime peuvent être observés par différents biais :
- le choix d’un moment précis (1815)
- d’un groupe d’individus particulier
(destins des employés)
- de sources spécifiques (mémoires et
correspondances)
2°) Le XIXe
siècle est aussi le temps d’un nouveau régime mémoriel : à partir
de la Révolution et de l’Empire, on entre dans la première ère du témoin, tant
se fait pressant le besoin de témoigner des événements mémorables que chacun a
pu connaître.
- le processus de mise en mémoire pour le
Premier Empire vient de faire l’objet d’une publication de Natalie Petiteau, Écrire
la mémoire, Paris, Les
Indes Savantes, 2012
-
il faut
maintenant comparer les argumentaires des mémorialistes de la Révolution et de
l’Empire avec ceux des hommes et des femmes qui ont rendu compte de 1830
- il faut aussi faire la comparaison avec
les mémoires de la fin du XIXe siècle qui, eux, ne rendent pas
forcément compte d’une situation révolutionnaire (ex comtesse Jean de Pange, Comment
j’ai vécu 1900…)
Il s’agira de
porter attention aux différences :
- entre témoignages des hommes et femmes
célèbres et ceux d’auteurs au nom oublié
- entre témoignages militaires et
témoignages de civils
- entre témoignages masculins et
témoignages féminins
Ces
questionnements feront partie de ceux qui seront au cœur de l’ANR que proposera
Natalie Petiteau : « Écrire la mémoire, écrire l’histoire », en
collaboration avec J-L Chappey (Paris I).
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